La socialisation
Plume et 2 de ses chiots (6 semaines) (photo Philippe MATERNE)
Le rôle de l'éleveur ou de la famille de naissance d'un chiot est fondamental.
La tâche d'élever des chiots ne peut être improvisée et, ce qui se joue dans les 8 premières semaines de vie déterminera le comportement futur des chiots.
Le premier objet d'attachement du chiot est sa mère.
En effet, dès sa naissance, le chiot est senti et touché par sa mère; il la sent et la touche, il se familiarise avec elle. L'absence prolongée de la mère entraîne la détresse du chiot. Avec une bonne mère, un attachement réciproque verra le jour et un lien apaisant et privilégié se tissera ce qui permettra la construction de l'être. Cette nécessité sera aussi vitale pour le chiot que de boire et manger. Sans cet attachement il dépérirait puis mourrait.
Première phase de socialisation: les premières acquisitions
Le chiot, nait aveugle, commencera à voir sa mère entre le 10ème et le 14ème jour, il l'entendra entre le 14ème et le 21ème jour. A ce stade il commencera à la percevoir comme un être distinct.
Au cours de cette période une inter réaction spontanée entre le chiot et sa mère permettra de mettre en place ce qui deviendra plus tard la posture de soumission, élément indispensable pour sa future vie sociale.
Jusqu'à environ 4 semaines, le chiot ne peut faire seul ses besoins car les voies nerveuses correspondantes ne sont pas encore fonctionnelles. C'est donc la mère qui provoque l'élimination des urines et des excréments en attendant que le réflexe périnéal se mette en place chez le chiot. Pour ce faire, la mère, d'un coup de nez, retourne son chiot sur le côté et stimule, en la léchant, la région périnéale (située entre l'anus et l'appareil génital). Elle obtient et nettoie les produits à éliminer.
Vers la 5ème semaine, la tétée devenant trop douloureuses, la mère grogne et repousse ses chiots à coups de dents contrôlés. Le chiot tente de l'apaiser en se mettant sur le dos, reprenant ainsi la posture qui la faisait le lécher pour l'élimination alors que pourtant, il peut faire seul ses besoins.
Plus tard, il adoptera cette position devant un congénère adulte menaçant. Devenu adulte à son tour, il l'adoptera, en émettant parfois un peu d'urine, devant un humain très en colère.
Simuler le comportement infantile de posture de stimulation périnéale va servir à tenter d'apaiser un adulte (qui jamais n'attaque un petit) et devient un rituel (de soumission), élément capital dans la communication chez le chien.
Rassuré par la proximité de son premier objet d'attachement (sa mère), le chiot, maintenant qu'il voit et entend, peut commencer l'exploration du monde qui l'entoure et peut s'esayer aux jeux avec sa fratrie.
C'est la période de l'empreinte ou de l'imprégnation.
Privé d'interactions multiples avec ses congénères à ce moment de sa vie, le chiot risque plus tardd'être mal socialisé aux autres chiens avec comme conséquence, de les craindre et, de mal communiquer avec eux.
Les jeux permettent de structurer des comportements sociaux et ainsi, de préparer la future vie sociale du chiot.
Il apprend ainsi, au cours des jeux et combats, le contrôle et l'interruption de tout comportement, mouvements, morsures.
Les petites dents de lait pointues infligent des morsures douloureuses qui font crier les assaillis et qui enseignent aux assaillants à se contrôler et ainsi modérer leur ardeur quand, de position d'assaillants ils passent à celle d'assaillis à leur tour.
De même, quand ils se disputent un jouet, les chiots font la découverte et expérimentent ce qu'est la réaction de l'autre. La mère intervient au besoin et participe à ces premiers apprentissages de la vie en groupe. Tout congénère adulte qui se prête de bonne grâce aux jeux du chiot lui apprend à maîtriser son agressivité en fixant des limites. Le petit, là encore, découvre un rituel.
En mordillant les babines de l'adulte fâché par son trop d'ardeur, une nouvelle fois il utilise à des fins d'apaisement, un comportement archaïque: celui de demande de régurgitation de nourriture à la mère.
Plus tard, devenu adulte, il pourra utiliser ce comportement face à un congénère courroucé, transformé en léchage actif, mordillements modérés sur les mains d'un maître irrité.
Durant ces jeux innocents, les mécanismes très importants de l'autocontrôle et de l'inhibition de la morsure se mettent en place. Moment également de l'apprentissage de la ritualisation des contacts. Privé de ces acquisitions précoces, un chiot risque de devenir un animal hyperactif que rien ne sait arrêter.
Vers la 5ème semaine, les agressions de la mère qui éloigne ses chiots permettent le sevrage. Quand elle cesse de répondre, à un moment donné, à toutes leurs sollicitations et prend ses distances, elle force leur détachement et leur ouvre ainsi la possibilité d'étendre leur champ d'exploration.
Au moment du changement du mode d'alimentation et si le chiot à la chance de vivre avec d'autres chiens, il découvrira que, face à la nourriture, il y aussi des règles. Les adultes (y compris la mère) mangent d'abord et font savoir aux chiots, en grognant et ou en les repoussant, qu'ils passeront après.
Seconde phase de socialisation: le chiot fait la découverte du vaste monde et apprend les êtres qui le peuplent.
Fort de ses premières acquisitions, le chiot peut, pour une bonne suite de son développement, aborder l'étape nécessaire de la familiarisation à d'autres espèces animales et, surtout, aux êtres humains car plus tard il devra vivre avec eux.
Il est donc nécessaire, voire essentiel, que l'éleveur (ou la famille de naissance) manipule très tôt (toucher, caresser) le chiot dans le respect de sa fragilité et de ses longues périodes de sommeil. Les séances de pesée journalières sont ainsi une bonne occasion de le faire.
Progressivement, entre la 3ième et la 7ème semaine, lui offrir de côtoyer l'environnement humain le plus varié et le plus stimulant possible. Ce sera le gage d'une bonne familiarisation aux formes, bruits et comportements humains.
Ne pas lui permettre de faire ainsi mille découvertes d'humains, jeunes, vieux, blancs, jaunes, noirs, d'animaux, de voitures, de vélos etc... exposerait au plus grand stress le chiot qui en ferait l'expérience tardive.
Durant cette période de forte attraction sociale pour lui, il apprend en l'expérimentant à catégoriser le monde:
- le familier, en figures et objets que, plus tard, il ne craindra pas,
- le non-familier en formes non connues et redoutées auxquelles, devenu adulte, il peinera à s'accoutumer ou voudra éviter, fuyant ainsi toute situation nouvelle.
Bref, cette période de socialisation est capitale pour le chiot. Plus les expériences seront riches et multiples, plus le chiot sera bien équilibré à l'âge adulte.
Voyager en voiture, frôler l'aspirateur, le lave-linge à la maison, fréquenter le chien ou le chat du voisin, voir débouler un gamin en vélo ou en patins, tout cela ne sera pas une épreuve mais bien son quotidien le plus banal.
Au long de ces quelques semaines, le chiot aura découvert que tous comportements, les siens comme ceux des autres, sont des éléments de communication. Tout cela en faisant l'expérience de l'état émotionnel de l'autre, en apprenant à discerner ces différents états et, à influer dessus par une adaptation de ses propres comportements.
Il est prêt pour la grande aventure !!!